Kaba entouré par les agents d'Interpol et un agent assermenté du Ministère de l'environnement |
Mamadou Kaba, un trafiquant d’ivoire dont la profession connue est la vente d’objets d’art sculptés en bois, a été arrêté le 28 novembre dernier par Interpol avec l’appui du projet GALF (Guinée - Application de la Loi Faunique) et le
Ministère de l’Environnement. Cette
interpellation a lieu à Nongo dans la commune de Ratoma. Ce délinquant
faunique était en possession de 43 pièces de bijoux en ivoire.
Poursuivi
pour détention, circulation et importation de trophée d’espèce animale
intégralement protégée par la loi Guinéenne, Mamadou Kaba a été traduit
devant le tribunal de première instance de Dixinn le 10 décembre 2013.
Ayant reconnu les faits à la barre, le tribunal a délibéré sur l’affaire
ce mercredi 18 décembre. Il le condamne 19 jours d’emprisonnement,
90.000 GNF d’amende et 6.500.000 GNF (930 US dollars) à titre de dommage
et intérêt pour le Ministère de l’Environnement qui s’est constitué
partie civile. Une peine très faible pour dissuader les trafiquants d’un commerce aussi lucratif.
Le juge Mangadouba Sow qui, comme pour commenter sa décision, a contextualisé la lutte internationale pour la protection des espèces animales en voie de disparition. Il dira que "dans
les temps mémoriaux, tuer un éléphant ou un lion était un acte de
bravoure. Capturer un chimpanzé pour l'apprivoiser relevait du loisir.
Mais aujourd'hui, détenir un trophée d'éléphant relève de la
délinquance"....
Alors,
il faut reconnaître que si les temps ont changé nos textes de loi
devraient également changer en tenant compte des enjeux actuels.
Malheureusement tel n’est pas encore le cas. Le code de protection de la
faune sauvage et réglementation de la chasse a été voté par l’Assemblée
Nationale depuis 1997. Jusqu’à ce jour, cette loi n’a jamais été
révisée. Avec la multiplication des réseaux de trafics
professionnalisés, l’internationalisation de ce commerce illicite et
très lucratif, il est clair que les menaces qui pèsent sur notre
patrimoine faunique ne peuvent pas être efficacement freinées avec des
peines aussi faibles prévues par ce code.
Et
pourtant, au détriment du patrimoine faunique mondial, les trafiquants
comme Mamadou Kaba s’enrichissent illicitement grâce au commerce
international d’ivoire. Avec l’aide de GALF qui identifie et facilite l’arrestation des délinquants fauniques,
les investigations sur Kaba ont révélé qu’il s’agit d’un trafiquant
ayant des connexions internationales avec des fournisseurs dans la
sous-région, notamment au Bénin. Les objets d’ivoire saisi au cours de
l’opération qu’il avait mis sur le marché Guinéen proviennent de
Cotonou. L’objectif du GALF est de créer un contexte dissuasif au crime
faunique en Guinée. Son arrestation a d’ailleurs permis de confirmer
l’efficacité de GALF sur le terrain, en dépit de ces
difficultés juridiques, car aujourd’hui la peur est grandissante au sein
des réseaux de trafic à Conakry. Cette dissuasion est due aux
différentes opérations ayant abouti à des arrestations, des jugements et
surtout des peines d’emprisonnement bien que celles-ci ne soient pas à
la hauteur des crimes commis.
La
clémence du Juge est incompréhensible à plusieurs égards, d’une part
car la loi prévoit 3 mois minimum à 6 mois d’emprisonnement (article 164
du code de faune) et d’autre part car l’affaire a prouver à suffisance
que Mamadou Kaba est un trafiquant qui fait son business à
l’international, possède des stocks d’ivoire cachés, connait
parfaitement la nature illégal de son activité et plus grave encore il a
expliqué lors des investigations comment il s’organise pour échapper
délibérément à l’action d’INTERPOL, développant ainsi de nouveaux modes
opératoires pour éviter les arrestations et la perte d’argent en cas de
confiscations d’ivoire. Il a ainsi déclaré : « Maintenant,
le marché de l’ivoire est devenu lent à cause d’INTERPOL, ils arrêtent
les gens parce que c’est interdit. Avant on faisait sans problème mais
maintenant on a peur, c’est à cause de ça qu’on ne revend pas. Et on
envoie pas tout à la fois pour ne pas perdre tout le stock en cas
d’arrestation». Compte tenu de ces éléments, le juge aurait dû le condamner plus sévèrement.
L’affaire
Kaba a également confirmé que les trafiquants qui opèrent à
l’international profitent allègrement de la faiblesse des lois
Guinéennes. Connaissant la sévérité des sanctions prévues par les lois
fauniques dans d’autres pays qu’ils craignent, ils préfèrent drainer
leurs marchandises vers la Guinée qu’ils considèrent alors comme un pays
sans risque, un « far west » où ils peuvent se livrer au trafic illégal
des espèces en toute impunité. Ce constat s’impose lors que Kaba a
déclaré: “J’ai appelé un de mes frères qui est à Cotonou pour lui
demander s’il détient des colliers et des boucles d’oreilles. Ce dernier
m’a dit oui mais ici à Cotonou c’est risqué car ils arrêtent les gens
qui commercialisent
l’ivoire…”
Cette
déclaration est une évidence. Partout dans le monde, la situation des
éléphants est bien connue de tous. Ils font partie des espèces animales
fortement menacées d’extinction. En Guinée, le peu de population
d’éléphants qui nous reste est essentiellement conservée dans la forêt classée de Ziama située dans la région forestière. Selon un rapport qui date de mars 2005, cet inventaire estimait le nombre des éléphants à seulement 214.
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