Auto-route à Madina |
Sur l’invitation du Premier Ministre, les acteurs de la
politique guinéenne se sont concertés hier lundi. Il fallait impérativement
convaincre le Collectif à renoncer aux manifestations qu’il organise à partir de
ce mardi jusqu’à la satisfaction totale de leurs revendications. Mais
hélas ! Le pouvoir et l’opposition se sont séparés à queue de poisson.
La conséquence est que cette semaine sera une semaine à haut
risque. Le Collectif campe sur sa position de descendre dans la rue. Cette
nuit, à partir de 23h déjà, les barrages se sont multipliés à travers la ville.
Les pick-up remplis de gendarmes et de policiers quittaient le centre ville
pour rejoindre la banlieue. J’ai également été surpris de constater que tous
les militaires, y compris les hauts cadres de l’administration militaire, ont
passé la nuit dans les camps et non en famille. C’est l’ordre donné par le
Général Souleymane Kèlèfa Diallo, chef d’Etat Major Général des armées.
Maintenant, la question est de savoir ce que cette journée
nous réservera. Les militants du Collectif sortiront-ils pour manifester ?
Je l’ignore pour le moment. La plupart des boutiques sont fermées au grand marché Madina, les stations d’essence sont
fermées dans certains endroits et les rues presque désertes. A Kaloum, au cœur
de l’administration, beaucoup de travailleurs n’ont pas pu se rejoindre le
travail même si les banques restent ouvertes.
Suis-je pour ou
contre ces manifestations ?
Je tiens au respect
scrupuleux de la constitution qui consacre le droit de manifester sans pourtant
ignorer que celui-ci est assorti de certaines conditions. L’exercice de ce
droit et le respect des conditions qui s’y attachent sont des composantes
essentielles de la démocratie.
Mais en tenant compte d’un des problèmes épineux de notre
pays, je juge ces manifestations inopportunes. Ce n’est pas seulement en raison
de la fragilité de notre situation sociopolitique. Car, celle-ci ne saurait
être un argument valable s’il s’est avéré que le pouvoir prend des décisions
unilatérales en ce qui concerne l’organisation des élections législatives.
Ce problème épineux
dont je veux parler, c’est la difficile et nécessaire question de Réconciliation
Nationale. Je trouve simplement que le collectif a une mauvaise intention que
beaucoup d’observateurs ignorent ou négligent. Ils veulent mettre le bâton dans
les roues de la Commission de Réflexion sur la Réconciliation Nationale. Le
Collectif a beaucoup de réserves quant à la démarche de cette commission crée
le 24 juin 2011 par un décret présidentiel. Il y a quelques semaines de cela, la commission a fait une
importante déclaration dans laquelle elle a décrété ce 28 septembre comme « Journée de Pardon à Dieu ». Il faut rappeler que le 28
septembre est devenue une date de gloire et de tragédie. Le 28 septembre 1958
les guinéens ont voté NON à la colonisation française pour devenir
indépendante. A la même date du 28 septembre 2009, une manifestation pacifique
contre la junte dirigée par le capitaine Dadis a été réprimée dans le sang.
Donc la Commission de Réflexion sur la Réconciliation souhaite commencer son
travail à cette même date.
Alors, le choix des mots « … manifestations
publiques pacifiques à partir du 27
septembre…. » qui figure dans la déclaration du Collectif est loin
d’être anodin. Le premier effet immédiat d’un tel choix est le sabotage de l’initiative annoncée par cette commission
présidée par El hadj Mamadou Saliou Camara (premier Imam de la grande mosquée
de Conakry) et Monseigneur Vincent Coulibaly (grand archevêque de Conakry).
Le collectif
réussira-t-il à saboter le processus de réconciliation engagé par la commission
de réflexion ?
Je réponds d’emblée oui ! Ce premier coup d’essai est
un coup de maitre. Aujourd’hui, personne ne parle de « Journée de
Pardon ». On parle plutôt de manifestation. Alors, puisque ces
manifestations se prolongeront au 28 septembre -en tout cas jusqu’à la
satisfaction des revendications des manifestants- nous saurons nettement ce que
pense le collectif de cette initiative prise par les personnalités religieuses
les plus respectées de la Guinée.
Le Collectif
suspendra t-il la manifestation du 28 septembre pour affirmer son soutien aux
efforts de réconciliation ? Nous verrons bien ! Mais une chose reste
claire : la Commission de Réflexion sur la Réconciliation est durement
éprouvée par ces mouvements!
Je reste impatient de voir comment le Collectif réagira à
cette « Journée de Pardon à Dieu » et la façon dont la Commission de
Réflexion sur la Réconciliation Nationale réussira à donner un sens à son
initiative.